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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/251

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considérable, venant du nord ou du nord-est, se réunit par cinq bouches différentes au courant principal du Fraser que nous avions jusqu’alors suivi. Il fallut faire une halte pour examiner les gués où nous pourrions en sécurité traverser ces eaux enflées. Cette Grande Fourche du Fraser est ce qu’on appelait d’abord La Cache de la Tête Jaune[1], parce que c’est là qu’un trappeur iroquois, surnommé la Tête Jaune, avait établi la cache où il serrait les fourrures qu’il avait conquises sur le versant occidental des montagnes. Le site est magnifique et d’une grandeur qui défie toute description. Au fond d’une gorge étroite et rocheuse, dont les flancs étaient revêtus de sombres sapins et, plus haut, d’arbustes au feuillage d’un vert clair, filait comme une flèche le Fraser impétueux. De toutes parts les sommets neigeux des puissantes montagnes couronnaient le ravin, et immédiatement derrière nous, géant parmi les géants, s’élevait dans sa domination incommensurable, le Pic de Robson. Ce mont est magnifique, hérissé de rochers couverts de glaciers et a une forme conique. La première fois que nous l’aperçûmes, sa cime était en partie dérobée au milieu des vapeurs ; celles-ci s’écartèrent, ne laissant plus après elles qu’une espèce de collier de nuées, légères comme la plume, au-dessus duquel il projetait sa tête de glace, étincelante aux rayons du soleil levant et noyée dans le ciel bleu, où elle pénétrait à la hauteur d’environ quinze mille pieds. C’était superbe ! Les Chouchouaps de La Cache nous ont assuré que rarement les mortels ont joui de ce spectacle ; car le Robson plonge ordinairement sa tête dans les nuages. Nous eûmes de nouvelles difficultés après avoir dépassé la vieille Cache : torrents profonds à franchir, abatis à sauter à chaque dizaine de mètres et la vallée couverte par l’inondation ! Celui de nos chevaux qui portait la farine s’en alla promener à la nage dans l’eau profonde, et celui qui était chargé de pemmican erra

  1. Ce qu’on appelle aujourd’hui La Cache est à une douzaine de milles environ plus bas que le confluent des deux Frasers. Voy. p. 254 et le chapitre xiv. (Trad.)