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et les loups, de leurs chœurs habituels, finirent par saluer l’aube du jour. La Ronde et son jeune compagnon s’élancèrent pour aller chercher les traîneaux. De son côté, Cheadle se mit à la poursuite d’un bison qui avait été grièvement blessé la veille.

Après plusieurs jours d’une chasse assez productive, ils avaient chargé de viande les traîneaux et avaient repris la route du retour. Pourtant ils n’étaient pas au bout de leurs épreuves. Des bandes de bisons qu’ils aperçurent à leur portée leur inspirèrent le désir, avant de rentrer à la Belle-Prairie, de se donner une autre journée de chasse. La nature du pays, avec ses collines et ses bouquets de bois taillis, se prêtait merveilleusement aux surprises. Ils réussirent donc à se glisser jusqu’à une quarantaine de mètres d’une petite bande qui dormait tranquillement dans un étroit vallon. On convint que Cheadle attendrait à l’affût derrière un monticule, tandis que les deux autres ramperaient à l’entour pour s’approcher des bisons par le côté opposé.

Cheadle resta patiemment, regardant par-dessus la colline à travers l’herbe élevée, épiant en vain quelque signal qui lui indiquât que ses compagnons étaient parvenus à leur poste. Enfin un des bisons se leva et s’étira, mais sans paraître aucunement troublé. Cheadle, de peur de faire perdre leur chance aux autres, ne fit pas feu et, tout en attendant couché à terre, il se prit à songer. Il pensait à l’Angleterre ; il revoyait les lieux familiers à son enfance ; les vieux désirs, les fantômes de ses projets sans exécution et de ses vaines espérances, repassaient dans son esprit. La Bonde, les bisons, la chasse : tout, il avait tout oublié. Soudain ses rêves furent dissipés par de grands cris : « Tir donc ! tir, docteur ! tir-r, sacré tonnerre ! tir-r-r ![1] ». Et voilà que les bisons passaient à toute vitesse : avec La Ronde et Mis-

  1. Avons-nous eu tort de respecter l’orthographe des éditeurs anglais ? (Trad.)