Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/194

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pandu ses dons sur toi extérieurement et intérieurement, toi sa brillante image : parlant ou muet, toute beauté et toute grâce t’accompagnent, et forment chacune de tes paroles, chacun de tes mouvements. Dans le ciel, nous ne te regardons pas moins que comme notre compagnon de service sur la terre, et nous nous enquérons avec plaisir des voies de Dieu dans l’homme ; car Dieu, nous le voyons, t’a honoré, et a placé dans l’homme son égal amour.

« Parle donc, car il arriva que le jour où tu naquis, j’étais absent, engagé dans un voyage difficile et ténébreux, au loin dans une excursion vers les portes de l’enfer. En pleine légion carrée (ainsi nous en avions reçu l’ordre), nous veillâmes à ce qu’aucun espion ou aucun ennemi ne sortît de là, tandis que Dieu était à son ouvrage, de peur que lui, irrité par cette irruption audacieuse, ne mêlât la destruction à la création. Non que les esprits rebelles osassent sans sa permission rien tenter, mais il nous envoya pour établir ses hauts commandements comme souverain Roi et pour nous accoutumer à une prompte obéissance.

« Nous trouvâmes étroitement fermées les horribles portes, étroitement fermées et barricadées fortement ; mais longtemps avant notre approche, nous entendîmes au dedans un bruit autre que le son de la danse et du chant : tourment, et haute lamentation, et rage furieuse ! Contents, nous retournâmes aux rivages de la lumière avant le soir du sabbat : tel était notre ordre. Mais ton récit à présent : car je l’attends, non moins charmé de tes paroles que toi des miennes. »

Ainsi parla ce pouvoir semblable à un Dieu, et alors notre premier père :

« Pour l’homme, dire comment la vie humaine commença, est difficile, car qui connut soi-même son commencement ? Le désir de converser plus longtemps encore avec toi m’induit à parler.

« Comme nouvellement éveillé du plus profond sommeil, je me trouvai couché mollement sur l’herbe fleurie, dans une