Page:Milton - Samson agoniste, 1860, trad. Avenel.djvu/44

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vue nous soit enlevée, la vie n’a-t-elle pas encore bien des consolations, lorsque nos autres sens apportent leurs jouissances à notre foyer paisible, étranger à tous ces soucis et à tous ces hasards qu’en dehors de lui et grâce à leurs yeux les hommes rencontrent tous les jours ? J’intercéderai près de mes maîtres, et ils me prêteront, je n’en doute pas, une oreille favorable. Je t’arracherai à cette affreuse prison ; tu demeureras à mes côtés, en un lieu où mon amour redoublera pour toi, avec mes soins et mon zèle ; remplir ce devoir sera mon bonheur : Ne m’occupant que de toi jusqu’à tes vieux ans, je jetterai tant de charmes et de consolation sur ta vie que tu regretteras moins ce que, par moi, tu as perdu.

SAMSON.

Non, non, ne t’inquiète point de mon sart, cela ne te sied pas ; toi et moi, il y a longtemps que nous sommes deux ; ne me crois pas si imprudent et si maudit que de nouveau j’aille me jeter dans le piége où déjà ont été pris mes pieds. Je connais, quoique cette science me coûte cher, les embûches et les lacs perfides qui forment ton cortège ; ta belle coupe enchantée et tes attraits séduisants n’ont plus sur moi d’empire ; leur pouvoir est anéanti ; j’ai assez emprunté de sa prudence au serpent, pour prémunir mon oreille contre tes sortilèges. Si dans la fleur de ma jeunesse et de ma force, alors que les hommes m’aimaient, m’honoraient et me redoutaient, toi seule tu pus, moi ton époux, me haïr, te jouer de moi, me vendre et