Page:Milton - Samson agoniste, 1860, trad. Avenel.djvu/45

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m’abandonner, comment me traiterais-tu aujourd’hui que je suis aveugle et si facile à tromper, ne pouvant en mille choses, de même qu’un enfant, m’être à moi-même d’aucun secours, dédaigné par conséquent, méprisé et délaissé ? à quelles insultes, à quelle trahison ne te porterais-tu pas si, trop débonnaire époux, je consentais à vivre, jouet de ton caprice, en un entier esclavage. Toutes mes paroles, toutes mes actions, tu t’en irais les redire à tes maîtres pour qu’ils les commentassent et d’un froncement de sourcil en fissent la censure. J’estime cette prison la maison de la liberté, quand je la compare à la tienne, dont mes pieds jamais ne franchiront le seuil.

DALILA.

Laisse-moi du moins m’approcher, laisse-moi toucher ta main.

SAMSON.

Non, si tu tiens à la vie ; un souvenir cruel réveillerait soudain ma rage et, membre par membre, je te déchirerais. De loin je te pardonne : retire-toi avec cela, pleure et ta fausseté et les pieuses actions qu’elle engendra ; elles te rendront fameuse entre les femmes illustres et les épouses fidèles ! Bénis ton veuvage ; l’or l’a hâté, l’or qui fut La solde de la trahison conjugale : voilà mon adieu !

DALILA.

Je vois que tu es implacable, plus sourd aux supplications que les vents et les mers ; car les