Page:Mirabeau l'aîné - Erotika Biblion, 1867.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
NOTES SUR

course sur les bords de l’Eurotas ou sur le mont Taygète, Lycurgue, ce grand législateur, n’a point eu en vue, comme le prétend à tort Mirabeau, « de leur apprendre l’art de sentir et de faire sentir tous les raffinements de l’amour, » mais il a voulu émousser la pointe de cette passion que les jeunes gens conçoivent pour les filles, les appeler ainsi, non à la jouissance, mais à la gloire, et contribuer, par ces exercices, à dénouer le corps, en le rendant plus sain et plus robuste, persuadé que la propagation de l’espèce humaine en ressentirait les plus heureux effets.

Les brillants paradoxes de législation que le génie mâle et austère de ce grand homme créa, eurent pour but, dans l’État qu’il voulait former, de proscrire la pudeur comme impuissante à conserver la chasteté. C’est sans doute la raison pourquoi il permit aux vierges de Sparte de porter des robes tellement entr’ouvertes et indécentes qu’au moindre mouvement elles trahissaient leurs charmes les plus secrets. Armé d’une haine vertueuse contre le célibat, il le nota d’infamie, et la seule faveur qu’il accordait aux célibataires qui sentaient quelque envie d’avoir des enfants, était de ne pas leur défendre d’emprunter la femme de leur ami, pourvu qu’il y consentît expressément. Si un vieillard, uni à une jeune femme, désespérait de laisser après lui de la postérité, il était obligé de s’associer un jeune homme vigoureux, de l’introduire dans le lit de son épouse et d’en adopter la progéniture. La licence de ses institutions, dit un auteur, était poussée si loin, que, voulant empêcher le sang des familles de dégénérer et donner à l’État des enfants, qu’il ravissait à l’individu qui les avait fait naître, il permit la communauté des femmes.

C’est ainsi que Lycurgue, en se jouant de la morale, bannit toutes les fureurs de l’amour et de la jalousie, et qu’il prévint, en sage législateur, tous les crimes qui sont souvent le résultat de ces deux passions.

Lycurgue et Anacréon ne se sont donc pas trouvés dans