Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/113

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blessures, les autres, les troncs en l’air, râlant, appuyés sur leurs branches écrasées, comme sur des moignons. Un seul restait debout, à l’entrée du jardin, un cerisier chétif, mangé de gomme, étonné d’être si seul sur cette terre, veuve de ses hardis nourrissons, et toute rase. Chassés de leurs abris, les oiseaux volaient dans le ciel, effarés, poussant des plaintes.

Mais le Père Pamphile ne regardait déjà plus ce champ de bataille, où se mouraient les géants tombés ; il voyait son église sortir peu à peu, de toutes ces ruines, de toutes ces morts, prendre une forme, monter, monter toujours, balancée sur les épaules d’une armée d’ouvriers ; il se voyait aussi, s’accrochant aux flancs de la nouvelle basilique, grimper de pierre en pierre, et planter, au sommet de la flèche, la croix d’or reconquise et triomphante.

De ces arbres, il fit deux parts, l’une qu’il vendit, l’autre qu’il garda, en vue des constructions prochaines, et, lorsqu’il n’eut plus rien à vendre et rien à abattre, il se rendit chez l’architecte diocésain. Solennellement, il déroula le plan de la chapelle, expliqua, une à une, les gravures du livre, parla longtemps, s’embrouilla en d’incompréhensibles histoires.

— Voilà ce que je veux refaire ! dit-il. Tout ça !… Tout ça !… vous comprenez ?… Et combien croyez-vous que cela coûtera dans l’ensemble ?

— Je ne sais pas ! répondit l’architecte ahuri… Comment voulez-vous que je sache ?

— À peu près !… voyons, à quelque chose près.