Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/124

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plaient sur les ruines, plus mortes sous la pâleur tragique de la lune.

Maintenant le Père Pamphile avait soixante-quinze ans. Malgré ce grand âge, et bien que son corps, amaigri et noueux, se courbât vers la terre, il demeurait robuste et plein de vie ; la même foi illuminait ses yeux, aux paupières tombantes ; le même enthousiasme poussait ses membres raidis vers les conquêtes chimériques. Il souriait comme un petit enfant. Une année, au Réno, où il travaillait plus qu’un manœuvre, du matin au soir ; l’année d’après, à l’étranger, où il quêtait, jamais il ne prenait un seul instant de repos. Les terrassements, pour les fondations de la chapelle, avaient été enfin commencés, puis abandonnés, faute d’argent. Des cinq cent mille francs, tout avait passé en plans d’architecte, en mémoires préparatoires d’entrepreneurs, en achats de matériaux et d’outillage, sans cesse perdus ou volés, sans cesse renouvelés. Mais le vieillard ne désespérait pas. Lorsqu’il revenait de ses longues tournées, la poche garnie, il achetait encore ; encore il conférait avec les architectes et les entrepreneurs ; et c’étaient les mêmes stations, les mêmes comédies. On métrait, on cubait, on déroulait les mêmes papiers jaunis, on s’exaltait aux mêmes projets ; le Père Pamphile, son livre à la main, recommençait les mêmes explications :

— Pardon, Messieurs… nous ne créons pas… nous reconstituons… Là était le maître autel…

Il n’avait rien changé à son régime ; on lui appor-