Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/125

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tait sa soupe le matin, et le soir son morceau de pain ; puis, la nuit venue, il montait à la chambre du petit pavillon, devenu un taudis immonde, tapissé d’ordures, planchéié de fumier. Après une prière devant le crucifix, il s’étendait sur sa couchette de bois, et tandis que le vent soulevait sa barbe d’un frémissement glacé, les chats-huants, qui ne s’effrayaient plus, perchés sur les poutres, dans l’angle du toit, le regardaient dormir de leurs grands yeux fixes, et le couvraient de leurs fientes.


L’abbé Jules connaissait le Père Pamphile qui était en rapports fréquents avec l’évêché et, comme tout le monde, il le prenait « pour une vieille canaille », conscient des bassesses qu’il commettait. Avec la facilité, que possèdent tous les optimistes, d’improviser des plans hardis et scélérats sans se donner la peine de les approfondir, l’abbé, ce matin-là, en pensant au Père Pamphile, avait, dans l’espace d’une minute, ébauché vaguement des projets de chantage admirables que son autorité reconnue, la terreur qu’il inspirait ne pouvaient que mener à bien. Aussi était-il parti à la hâte pour le Réno, ses idées encore incertaines et brouillées, mais s’en remettant au hasard, du soin de les débrouiller, le moment venu.

Après avoir longé des constructions basses, tellement en ruine qu’il eût été impossible d’en préciser la nature ; après avoir traversé deux petites cours où se voyaient encore les arcades brisées d’un cloître, où le