Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/136

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plètement indigne, une vie à laquelle il n’atteindrait jamais, ouvrait par les fentes des murailles, de larges horizons insoupçonnés, des espaces fleuris de fleurs de rêve, de belles fleurs au-dessus desquelles voltigeaient des âmes, des âmes d’enfant, des âmes de vieillard, des âmes de pauvres, de belles fleurs qui berçaient de toutes petites âmes mortes, au fond de leurs calices parfumés… Durant la route, une multitude d’idées confuses, sans lien direct avec ce qu’il avait vu et entendu, au Réno, se heurtèrent dans sa tête. Mais, toutes, elles le ramenaient obstinément au Père Pamphile, et du Père Pamphile au miracle des religions d’amour qui mettent tant de joies dans la souffrance, tant de sagesse dans la folie, tant de grandeur dans l’avilissement ; elles le ramenaient aussi à la douloureuse constatation de sa propre déchéance… Il avait beau chercher, dans sa vie, depuis le jour où la conscience s’était éveillée en lui, il ne retrouvait que des viletés et des hontes, avec de courtes échappées, de fugitives aspirations vers le bien, dont le seul résultat était de rendre ses rechutes plus lourdes et plus irréparables. Aucune foi, aucun amour, aucune passion même ; des instincts furieux de bête, des manies de déformation intellectuelle, et, avec tout cela, la sensation d’un vide intraversable, l’immense dégoût de vivre, l’immense effroi de mourir… Oh ! oui, de mourir !… Car l’éducation chrétienne de son enfance, les accoutumances de son sacerdoce, plus fortes que ses doutes et ses impiétés, lui faisaient considérer le terrible au-