Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/138

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licieuse, dont il eût été incapable d’expliquer la nature et la cause. Ses nerfs se détendirent, son cœur se fondit dans un attendrissement, et, sans secousse, sans souffrance, les larmes jaillirent de ses yeux. Les cloches tintaient, tintaient, et Jules pleurait, pleurait. Et tandis qu’il pleurait et que tintaient les cloches, près de lui passa une pauvre femme, hâve, décharnée, à la face couleur de pierre. Vêtue de haillons sordides, les pieds nus, elle tirait une voiture, où deux enfants, dans la paille, dormaient, livides et flétris.

— La charité ! monsieur l’abbé, dit-elle.

De son porte-monnaie, l’abbé tira deux louis d’or qu’il mit dans la main de la pauvresse.

— Tenez ! fit-il… Mais ce n’est pas moi qui vous donne… C’est monseigneur l’évêque… Priez pour lui… Priez pour moi… Et soyez heureuse quelques jours…

Les cloches s’étaient tues, lorsqu’il franchit la porte de l’évêché ; mais il en gardait encore la vibration douce dans ses oreilles et dans son cœur. Rentré dans sa chambre, il se prosterna devant une image du Christ, et, se frappant la poitrine, il implora :

— Mon Dieu, ayez pitié de moi… Pardonnez-moi… Secourez-moi !

Les mains jointes, les yeux levés vers l’image, il demeura en prières, jusqu’au soir.


La carême approchait. Jules ne songeait plus à sa bibliothèque, ni au Père Pamphile, ni à la mort, ni à