Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/139

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la vertu. Les émotions ressenties à son retour du Réno, s’étaient vite envolées, et, plus fantaisiste, plus tyrannique que jamais, il avait repris la direction des affaires du diocèse. On revit son ombre noire et tourmentée rôder sur la terrasse, aux heures du crépuscule ; les prêtres qui, peu à peu, en l’absence du chien de garde, s’étaient remis à danser, la soutane en l’air, heureux d’une liberté qu’ils croyaient éternelle, recommencèrent à trembler, à s’observer, à se fuir ; autour des petits clochers de village, la terreur de nouveau régna. Quant à l’évêque, il était « dans les transes » ; non point à cause de la rentrée bruyante de son secrétaire, qui le débarrassait plutôt d’un trop lourd fardeau, mais l’échéance arrivait, l’échéance fatale du mandement. Or, il n’avait rien à dire, ne voulait rien dire, ne pouvait rien dire. Cependant, il fallait s’exécuter coûte que coûte. Où trouver des phrases assez insignifiantes, des mots assez effacés pour que les pages qu’il allait écrire, équivalussent à des pages blanches et que tout le monde fût content. C’était bien difficile, aujourd’hui que les journaux avaient la manie de tout éplucher et de donner aux mots les plus simples, aux phrases les plus ternes, des sens terribles, des interprétations hardies qu’ils n’avaient point.

— Voilà, se disait-il, après de longues et pénibles réflexions… voilà ce que je puis faire… Je vais recommander aux fidèles de se bien conduire… de… de… de… d’aller à la messe, à confesse, d’observer stricte-