Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/140

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ment le jeûne, d’être en un mot de bons catholiques, afin que Dieu écarte d’eux le péché, la grêle, l’incendie, la maladie… Ensuite, je montrerai que, par la foi… non, je ne montrerai rien… il ne faut rien montrer… Et je terminerai soit par la paraphrase d’un évangile quelconque… soit par une invocation à Celui de qui nous viennent toutes choses, qui nous accorde le pain, le vin, et cæteraet cætera… et la force de supporter les douleurs de la vie… Cela ne me paraît pas exagéré… Je ne parlerai ni de Sa Sainteté, parce qu’on me reprocherait d’être ultramontain, ni de l’Empereur, car on m’accuserait d’être libéral…

Parti de cette idée, il avait déjà, d’une écriture sans cesse raturée, noirci plus de cinquante feuilles de papier. À mesure qu’il les relisait, chaque mot lui faisait dresser l’oreille, et il déchirait l’un après l’autre les feuillets commencés. Et le pauvre prélat suait, soufflait, soupirait, se désolait.

Justement, un matin, l’abbé Jules, très dispos et de bonne humeur, demanda à l’évêque :

— Pensez-vous à votre mandement, Monseigneur ?… Voici le carême.

— J’y pense, certainement, j’y pense, répondit le vieillard, avec une mine effrayée… Ah ! quelle terrible chose !

— Pourquoi terrible ? interrogea l’abbé.

— Mais, mon cher enfant, terrible à cause des responsabilités, des ménagements… Dans la situation que j’occupe… une situation de paix, de concorde, de