Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/142

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taines occasions graves, vous ne vous affirmiez pas assez… On trouve, par exemple, vos mandements un peu gris… un peu fuyants… Ce n’est pas enfin ce qu’on attend de Votre Grandeur…

L’évêque s’agitait nerveusement, sur son fauteuil.

— Ce qu’on attend de Ma Grandeur ?… Ce qu’on attend !… Je ne puis cependant mettre tout à feu et à sang, voyons… Ce n’est pas dans mon rôle… Je ne suis pas un spadassin !

— Mais, Monseigneur, on ne vous demande rien de pareil, reprit l’abbé, qui fit un geste de douce protestation ; on voudrait une plus grande fermeté, une autorité plus hautaine dans vos actes publics, plus de caractère, plus de flamme… C’est bien différent.

S’exaltant peu à peu et se prenant lui-même comme un comédien, au propre piège de sa mystification, il continua sur un ton enthousiaste, auquel l’émotion d’une chose véritablement ressentie donnait des accents de sincérité :

— On voudrait qu’en face de la philosophie athée qui monte, déborde, s’installe dans les chaires officielles, ouvertement protégée, payée par le gouvernement, en face des attaques furieuses, multipliées contre l’Église sainte, on voudrait qu’une voix s’élevât, vengeresse et consolatrice, tout ensemble… le cri de révolte et d’espérance d’un grand chrétien… Les temps sont mauvais, Monseigneur… De toutes parts, la société craque, la religion s’effondre, tout se désagrège et pourrit… En haut, sur le trône, l’orgie étalée effronté-