Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/161

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Il faisait geste de rudoyer un personnage imaginaire.

— Vous ?… vous n’avez pas le droit, vous !… vous avez volé le testament !… Une mitre à vous ?… Ce qu’il vous faut, le savez-vous ?… Quatre pied de chaîne et un boulet !

L’évêque poussa un cri, ouvrit la bouche et battant l’air de ses mains glacées, il retomba sur son siège, la tête roulante, les bras inertes, évanoui.


Le lendemain, à pointe d’aube, Jules sortit. Il avait préparé ses malles, et comptait partir, le soir même. Mais où ? Il n’en savait rien. Dans le malheur c’est vers la maison paternelle que vont les premiers regards de celui qui cherche à être consolé. Jules n’aimait point son pays ; aucun doux souvenir ne l’y attachait, aucune joie de jeunesse. L’idée de retourner à Viantais lui était insupportable ; il faudrait y donner des explications, subir des reproches, ne voir que des visages tristes ou courroucés, n’entendre que des soupirs et des lamentations. Cela ne le tentait point. Il eût désiré se cacher quelque part, très loin, dans un endroit où personne ne l’aurait connu. Paris aussi l’attirait, par son mystère, par toutes les espérances vagues de crime ou de relèvement qu’il souffle aux obscurs déclassés. Il n’avait point d’argent. Et d’ailleurs qu’y ferait-il ? Enfin, il verrait, il réfléchirait… En attendant d’avoir pris une résolution, il ne voulait pas rester à l’évêché, dans la crainte d’y rencontrer Monseigneur ou quelque autre témoin de sa stupide aventure. Et il allait préoc-