Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cupé, mal à l’aise, incertain, chassant, devant lui, des cailloux, du bout de ses souliers.

Comme il se trouvait sur la route du Réno, la pensée lui vint de passer cette journée avec le Père Pamphile. De sa visite ancienne, il lui était resté un grand remords, une grande impression, et, bien des fois, il s’était promis de revoir ce dément sublime, et de se réconcilier avec lui. Même une folie lui traversa la cervelle. Pourquoi ne vivrait-il pas au Réno, ne s’arrangerait-il pas avec le vieux trinitaire ?… Il creuserait des trous, remuerait des arbres, quêterait… Non, c’était absurde !… Se défroquer ?… quelle misère !… La tare en demeurait ineffaçable sur les épaules de l’homme, habitué à porter la soutane. Du mépris, de la suspicion, voilà ce qui l’attendrait partout !… Alors, il chercha. Un poste sacrifié dans une mission lointaine ?… Voudrait-on de lui, seulement !… Le couvent ?… On ne l’y recevrait point !… Il chercha encore, ne trouva rien, se sentit perdu. Et il eut peur. Inquiet, comme une bête que les chiens poursuivent, il marchait le dos courbé, l’oreille aux écoutes, la mort dans l’âme.

Le matin, vêtu d’azur limpide, souriait dans les arbres réveillés ; et des vapeurs parfumées montaient de la terre, toute frissonnante sous les baisers du jeune soleil.

À quelques pas de l’avenue, Jules rencontra une vieille femme, celle qu’il avait vue déjà, portant au moine sa bolée de soupe. Comme autrefois, il lui demanda :