Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/163

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— Le Père Pamphile est-il au couvent ?

— V’là quasiment pus d’quinze jours, à nuit, que je l’ons vu, mossieu l’curé, répondit la vieille… Un jour, y était cor, et pis l’lend’main, y n’y était pus.

— Ah !

— Y sera, ben sûr, reparti en queuque pays… il est si enragé !

Ce départ causa à Jules une véritable déception. Il hésita pour savoir s’il devait poursuivre son chemin, ou revenir en arrière…

— Bah ! se dit-il, passer ma journée là, ou bien ailleurs !

Et il s’engagea dans les ronciers de l’avenue.

Longtemps, il erra à travers les ruines. L’hiver qui venait de s’écouler avait été rude au pauvre Réno ; les dégels et les tempêtes y avaient accumulé de nouveaux et nombreux dégâts. L’abbé revit ce qu’il avait vu jadis, tout cela un peu plus affaissé, tout cela un peu plus tombé, tout cela un peu plus désolé, et la vue de ces édifices découronnés, de ces murailles penchées et branlantes, de ces choses dévastées, mortes, éparses dans le chaos des successifs écroulements et des continuelles chutes, lui fut d’une tristesse amère et poignante. Il retrouvait, en tout cela qui était à jamais détruit, l’image de son propre cœur, le symbole de sa propre vie. Il revit le trou qu’avait creusé le Père Pamphile, et qu’un glissement du terrain comblait presque aujourd’hui ; un autre, plus loin, s’ouvrait de la longueur d’un homme, étroit et profond