Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/166

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Puis il se tut, très découragé. Du reste, aucune voix ne répondit au cri de détresse, et le silence se fit.

La première surprise de l’horreur passée, l’abbé réfléchit que le secours qu’il demandait était bien inutile. Le malheur datait de quinze jours, au moins, du jour où l’on n’avait pas revu le vieux moine, qu’on croyait reparti et qui était mort, tué par ces ruines aimées.

Tout frissonnant, il s’approcha de l’amoncellement des pierres, les yeux fascinés par le sabot, au-dessus duquel les mouches bourdonnaient, et dont la rigidité lui glaçait le cœur d’une intraduisible épouvante. C’était bien le Père Pamphile !… Dans l’interstice des gravats, Jules avait aperçu des pans de robe blanche, maculés de sang noir.

— Allons ! pensa-t-il, c’est Dieu qui m’a conduit ici !… Un autre l’eût sans doute découvert… Des gens de justice, des gens d’église, ravisseurs de cadavres, seraient venus le prendre…

Et, parlant tout haut, il dit :

— Sois tranquille, pauvre vieille carcasse, aucun ne t’arrachera à la paix de ces lieux que tu chérissais… Tu dormiras dans ton rêve, doux rêveur ; tu dormiras dans cette chapelle que tu voulais si impossiblement magnifique, et dont tu auras pu faire, au moins, ta sépulture… Et personne ne saura plus rien de toi, jamais, jamais, charogne sublime !

Résolument, il retroussa ses manches, se pencha au-dessus des décombres, et il commença de les déblayer. Les mouches, autour de lui, tourbillonnaient ;