Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/212

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sans que Jules élevât la moindre objection. Cet acte de soumission étonna.

— Il a été très convenable, très poli ! résuma le curé Blanchard qui vint aussitôt nous raconter l’entrevue… Savez-vous qu’il parle bien… C’est même un causeur… eh ! eh !… un orateur !

Mon père questionna :

— Lui avez-vous demandé ce qu’il a fait à Paris, pendant six ans ?… Enfin, c’est à savoir !

— Oui… C’est-à-dire que j’ai amené la conversation sur ce sujet… mais, au mot de Paris, l’abbé s’est mis sur la défensive… Et puis il est parti…

— Alors, on ne sait rien encore ?

— Rien !

— On ne saura peut-être jamais rien ! dit mon père, en poussant un soupir de désappointement.

Et, soudain, pris d’un orgueil de famille, oubliant tous les torts de Jules envers lui, il se rengorgea :

— Il cause bien, le mâtin, n’est-ce pas ?… Ah ! dame ! c’est loin d’être une bête !

On apprit, coup sur coup, deux nouvelles énormes. L’abbé avait acheté et payé comptant la propriété des Capucins… Puis des meubles étaient venus et soixante grosses caisses pleines de livres. Ma mère haussa les épaules, se refusant à y croire.

— C’est impossible ! fit-elle… Il n’avait qu’un sac de nuit.

Cependant il fallut se rendre à l’évidence. Alors, elle s’indigna :