Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/213

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— C’était pour nous tromper !… Il était riche !… Mais où a-t-il pu voler tout cet argent ?

Elle, d’habitude si calme, si maîtresse d’elle-même, perdait la tête, entrevoyait une série de crimes certains, de dénonciations possibles, et nerveuse, toute remuée par des désirs de vengeance :

— Il faut savoir, cria-t-elle, ce qu’il a fait à Paris… il faut le savoir, tout de suite !…

Le soir, M. Robin émit cette idée :

— Il a teut-être joué à la Dourse !

Pendant ce temps, l’abbé s’installait aux Capucins.

On appelait ainsi une propriété située à deux cents mètres du bourg, et tout le monde ignorait l’origine de cette dénomination : les Capucins. Jamais personne, pas même le notaire, qui connaissait exactement l’histoire locale, n’avait entendu dire qu’il y eût là autrefois un couvent de capucins ou de moines quelconques. Elle n’en avait d’ailleurs nullement l’aspect, et ressemblait plutôt à un ancien refuge de galant mystère. C’était une petite maison de style Louis XV, jolie de lignes, mais vieille et fort délabrée. Elle n’avait qu’un rez-de-chaussée, avec des fenêtres hautes et larges, pareille à une orangerie. Une étroite allée de lauriers — presque un sentier, — partant de la route, y accédait. Devant la façade principale, s’étendait une cour ronde, herbue, limitée par des murs bas le long desquels croissaient des rosiers, redevenus sauvages, et des arbustes extravagants. Sous le perron de forme élégante et simple des marches s’enfonçaient vers le