Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/216

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boire ; quelques marmottements encore, et c’était fini. Lorsque les dévotes essoufflées arrivaient, l’officiant quittait déjà l’autel et gagnait la sacristie, balançant sous le voile brodé le calice vide du sang d’un Dieu. Et il rentrait aux Capucins.

Dans l’espérance vague de savoir quelque chose, et peut-être aussi dans le désir inavoué d’un rapprochement, ma mère se mit à suivre ses messes avec régularité.

— C’est plus commode pour les provisions, à cause de l’heure, disait-elle.

Plusieurs fois, elle y communia. L’abbé, posait rapidement, d’un brusque coup de pouce, sur sa langue, le blanc disque de l’hostie, et ne paraissait pas la voir. Elle eut l’idée de le prendre pour confesseur, et elle y renonça vite.

— Merci, réfléchit-elle… Pour qu’il aille raconter partout mes péchés.

C’est alors que je fus chargé d’une mission importante. Sauf les jours où il venait rendre visite aux Servières, on rencontrait très peu mon oncle dans la ville. Mais, chaque après-midi, il faisait une promenade d’une heure, sur la route, avec, sous le bras, son bréviaire qu’il n’ouvrait jamais.

— Écoute, me dit ma mère, un matin. Ce n’est pas une raison, parce que nous sommes fâchés avec ton oncle, pour que tu le sois aussi, toi, son filleul. Retiens bien ce que je vais te dire… C’est très sérieux… Tous les jours ton oncle se promène entre les Capucins et