Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/217

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le carrefour des Trois-Fétus, de une heure à deux heures, n’est-ce pas ?

— Oui, maman !

— Eh bien ! tous les jours, tu iras te promener aussi, de une heure à deux heures, entre les Capucins et le carrefour des Trois-Fétus…

— Oui, maman…

— Naturellement, tu rencontreras ton oncle…

— Oui, maman…

— N’aie pas peur, surtout.

— Non, maman…

— Tu le salueras… Retiens bien, mon enfant… S’il te répond, tu lui demanderas des nouvelles de sa santé… S’il t’aborde, tu causeras avec lui… Je te recommande d’être bien gentil, bien affectueux, bien respectueux… Montre-moi comment tu t’y prendras.

Il fallut faire une répétition de la scène probable, entre mon oncle et moi. Ma mère se chargea du rôle de l’abbé.

— Allons ! approuva-t-elle. Ce n’est pas mal… Tâche d’être aussi gentil tantôt.

La promenade ne me déplaisait point, d’autant plus qu’elle coïncidait avec une répétition de latin. Cependant, j’eusse préféré que mon oncle ne fût point sur la route. L’idée de l’aborder m’effrayait. Et puis, j’éprouvais une sorte de honte à jouer cette comédie ; en même temps qu’un sentiment pénible se glissait, dans mon cœur, quelque chose comme une diminution de respect et de tendresse envers ma mère. Durant la