Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/234

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des enfants, sur les routes, qui gardaient des vaches… Les vaches broutaient… Eux cueillaient des coucous et faisaient de belles pelotes jaunes avec… Ou bien, ils mangeaient des mûres dans les haies… Ça doit être gentil de garder les vaches… Est-ce que les enfants qui gardent les vaches ont des parents, dis, sais-tu ?

— Je ne sais pas.

Georges eut un air contrarié.

— Oh ! tu ne sais rien ! soupira-t-il.

Et brusquement, il reprit :

— Quelquefois, sur la place, je regarde passer des voitures de saltimbanques… des grandes voitures jaunes, rouges, avec des petites fenêtres, et un petit tuyau qui fume… Et j’ai envie de partir avec elles… Sais-tu où elles vont ?

— Elles vont dans les villes… loin…

— Elles vont peut-être en Amérique ?

— Peut-être !

Il réfléchit un instant ; puis il m’attira près de lui, m’embrassa.

— Tu ne le diras pas… Eh bien ! voilà… quand il passera une voiture, je descendrai et je la suivrai… Et puis, je demanderai aux saltimbanques de me prendre avec eux…

S’interrompant :

— Ainsi, toi, jamais tu n’as pensé à t’en aller ?

Les paroles de Georges me faisaient mal, me bouleversaient dans toutes mes croyances sacrées d’en-