Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/300

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mourir comme je l’entends. Je te fais le gardien de mon repos… Promets-moi que si le curé tente de forcer ma porte, promets-moi que tu l’éloigneras… Tu lui expliqueras que je refuse de la recevoir, que je ne veux ni du mensonge de ses prières, ni de la triste farce de ses exhortations, ni de cette ridicule et sinistre comédie qui se joue autour du lit des moribonds. Veux-tu me promettre que tu feras cela ?… Veux-tu me promettre que tu me défendras, contre tous les violateurs d’agonie, même contre la mère ?…

Il me prit les mains, me regarda presque suppliant.

— Veux-tu ?

— Je vous le promets, mon oncle !… dis-je, dans un déchirement de toute mon âme.

— C’est bien, mon enfant !… Je te remercie…

Puis, se parlant à lui-même, il murmura d’une voix plus basse :

— Est-ce curieux ce qui se passe en moi ?… Plus mon âme s’apaise, et plus l’idée de Dieu s’efface de ma raison… Je ne le comprends plus… Dieu ! Dieu !… Quand je vivais mal, je croyais à Dieu, il m’effrayait… Aujourd’hui, en vain je le cherche… Je ne le retrouve plus : il est parti… Ne serait-ce donc que l’idéale entité d’un remords ?…

Après avoir rêvé quelques minutes, il se tourna vers moi…

— Et maintenant, ne sois plus triste, mon enfant… lorsque je poserai mes yeux sur ta petite tête, que je n’y voie pas couler des larmes… Souris-moi… Il ne