Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/75

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Et Jules grommelait, en se retirant :

— Bien naturelle !… vous appelez cela : « bien naturelle ! » Heu ! heu !… l’affaire en est où elle doit en être, voilà tout.

Alors, l’évêque considérait d’un œil de martyr son Christ d’ivoire, dont le corps douloureux pendait sur une croix de peluche écarlate, et il gémissait :

— Un chien !… Un chien !… Je ne suis même pas un pauvre chien ! Comme il me parle, mon Dieu !

Étrange et déroutante nature que celle de Jules !… Qu’était-il donc ?… Que cherchait-il ?… Que voulait-il ?… Ses débuts avaient révélé un homme d’action, un politique ambitieux et adroit, malgré ses bravades, ses taquineries excessives, ses inutiles persécutions. Il ne lui avait fallu qu’un coup d’œil pour se rendre compte de l’état moral du diocèse, du relâchement de la discipline, des vanités, des calculs, des appétits débridés par la faiblesse d’un chef qui, volontairement, avait abdiqué son autorité ; brusquement, sans donner à ce petit monde le temps de se reconnaître, il s’était rué sur lui, avait forcé les uns à la soumission, remis les autres à leur place, pris, pour lui seul, le pouvoir anarchiquement disséminé aux mains d’une multitude d’intrigants. Il avait même, par des procédés bizarres, il est vrai, rappelé les prêtres indolents et paresseux à une dignité plus consciente de leur caractère. Mais ce qui le poussait à agir, ce n’était point l’ardeur d’une foi intolérante, la grandeur d’un but entrevu, le calcul d’un intérêt