Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/86

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et sauvage étreinte. Un moment, il sentit remuer sous ses doigts un scapulaire, des croix, des médailles bénites que la malheureuse portait sur la peau, pendus au bout d’une chaînette d’acier, et il éprouva une joie horrible, une joie sacrilège, à les tordre, à les briser, à les enfoncer sur cette chair de femme, à les mêler aux caresses profanatrices dont il la meurtrissait. En même temps, il éructait des mots orduriers, épouvantables, des mots sans suite, des blasphèmes, coupés de hoquets et de halètements.

— Ne dis rien… Viens ici, plus près, plus nue… Je te paierai… Oui, je te… Écoute… Tais-toi… Sur l’herbe, là… te tuer sur l’herbe… t’étouffer… Tais-toi…

Mais la fille avait pu se relever. D’un coup de reins, elle se dégagea ; d’un coup de poing, elle repoussa l’abbé qui fit plusieurs pas en arrière et, chancelant, faillit tomber à la renverse.

— Espèce de grand brutal ! fit-elle simplement, en rajustant sa chemise entièrement découlissée, et en renouant sur ses hanches ses jupons arrachés… Quoi qu’y vous prend donc ?… Ah ben !… En v’là un salaud d’ curé !

Elle se réattela à la brouette, et, lentement, reprit sa route, se retournant de temps en temps pour voir si le prêtre la suivait. Celui-ci demeurait immobile et comme pétrifié. La soutane déboutonnée, la tête nue, les bras pendant au long du corps, il n’avait même pas pensé à ramasser son chapeau qui, lors de la