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Page:Mirbeau - La Nuit d’avril, paru dans l’Écho de Paris, 14 avril 1891.djvu/4

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« mon vieux pape ! », ou « ma vieille Sainteté », et le pape rigolerait… Dans Paris, dans mon vieux Paris, qui donc est-ce que je ne tutoie pas ?… Même le vieux Wilder !… Ma foi, je crois que je le tutoie aussi, ce vieux Wilder… Est-ce que vraiment je le tutoie ?… (Il cherche à se souvenir)… Évidemment je dois le tutoyer… Et pourquoi ne le tutoierai-je pas ?… Ah ! ce vieux Wilder, est-il naïf ?… On voit bien qu’il n’est pas de Toulouse, lui !… Es-tu naïf, mon vieux Wilder (— mais si, je le tutoie —). Es-tu naïf !… Tu me fais de la peine… Comment, tu en es encore à t’imaginer que l’Académie nationale de musique est faite pour la musique… pour la grande musique ?… Non, tu sais, elle est bonne, celle-là… Elle est très bonne… Je la savoure… Et tzim ! Et boum !… Vieux camarade, va !… Vois-tu, mon petit, ma force à moi, c’est que je me fiche de ta musique, de ta grande musique, c’est que je me fiche de ton grand art !… Le grand art !… Ah ! non, j’en ai soupé du grand art !… Il me rase, le grand art !… Ton Beethoven, ton Berlioz, ton Wagner, (Il bâille), tiens, voilà ce qu’ils me font faire !… Tu m’affliges, mon vieux Wilder, avec tous tes raseurs ; un tas de vieux pontifes et de jeunes clercs, dont je me vante de ne pas même savoir les noms… Tu fais le malin. As-tu seulement connu Offenbach, notre vieux Jacques, notre pauvre Vieux Jacques ?… Non ?… Alors de quoi te mêles-tu ?… En voilà un qui les dégottait tes Wagner !… Et boum, et boum, et boum, la la !… Ah ! Offenbach !… Tiens, quand je pense à ce vieil ami, ça me rend tout triste… Et ta