Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/266

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mon père Roubieux… balbutiai-je en tremblant.

Mais le bonhomme se récria :

— Comment, cette année… l’année de votre mariage !… Mais ce n’est pas cinquante que je vous apporte, c’est cent… Cinquante pour vous, cinquante pour votre petite dame !

Et, d’un ton que je m’efforçai de rendre bref, impératif :

— Non, pas cette année, je vous assure…

Le père Roubieux gémit :

— Ah ! ben ! ah ! ben !… Depuis trois jours que je suis dans la forêt pour vous trouver les meilleurs !… Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse, à c’t’heure ?… Bien sûr que je ne les remporterai pas jusqu’à Loudais… Je suis trop vieux, je n’aurais plus la force…

En levant les yeux vers la maison, je remarquai que les fenêtres de l’appartement de ma femme étaient éclairées.

— Elle est chez elle, me dis-je ; elle ne descendra pas avant le dîner.

Cela m’enhardit.

— Venez avec moi, père Roubieux.

Je le conduisis à la cuisine, où je lui fis servir un reste de viande, du fromage et une bouteille de vin.

Et pendant que le vieux mangeait, je me disais :