trouver couché ainsi, en travers d’un chemin. S’aidant de ses mains, de ses genoux, de ses coudes, il parvint enfin à se remettre debout. Il ramassa son casse-pierre, rajusta son carnier qui avait glissé sur sa poitrine, et continua sa route, le cerveau un peu étourdi et douloureux, les jarrets tremblants…
Rabalan était le dernier représentant d’une famille de sorciers qui, durant plus d’un siècle, régnèrent dans Trélotte. Son arrière-grand-père, son grand-père, son père, tous ses oncles et tous ses cousins avaient été sorciers, et l’on racontait d’eux des choses terribles et merveilleuses. Une autre fatalité pesait sur les Rabalan : ils se suicidaient. Depuis cent ans, on ne connaissait pas un seul Rabalan qui fût mort, comme tout le monde, dans son lit, de mort naturelle. Ceux-ci se pendaient, ceux-là se noyaient ; on citait même un Rabalan qui s’était enterré vif, avec un chat noir, un autre qui s’était élancé du clocher de l’église, un autre encore qui, sur les coteaux de Saint-Jacques, un soir, avait allumé un grand feu de lande et de tourbe, et s’était couché sur le brasier rouge, en chantant… Leur pouvoir était illimité : ils guérissaient les malades abandonnés des médecins, rendaient fécondes les terres sté-