des terribles Rabalan qui avaient passé dans le pays, parce qu’un sorcier qui se cache d’être sorcier, et qui n’exerce pas son art au grand jour, est mille fois plus dangereux. On le rendait responsable de tous les maux qui arrivaient, de la grêle qui dévastait les moissons, de la pluie qui détrempait la terre et pourrissait les semences, d’une vache qui avait mal vêlé, d’un enfant qui était mort. Et on le battait en disant : « Je te rends le mal ». Son corps était couvert de calus et de cicatrices. Souvent, dans les cas pressés, on accourait près de lui :
— Sorcier, guéris-moi.
— J’ suis point sorcier, répondait Rabalan.
— J’ te dis qu’ t’es sorcier.
— J’ te dis qu’ non !
Et les coups pleuvaient sur le malheureux qui ne se défendait pas, ne se plaignait jamais.
Il se contentait de dire :
— Pisque j’ suis point sorcier !
Le seul bon temps de Rabalan, c’était dans le bois de Pied-Fontaine, loin des regards humains, lorsque une vache, ayant quitté la pâture, s’approchait de lui, traînant ses entraves défaites. Il abandonnait son casse-pierres, soulevait son masque, causait longuement avec la vache, la caressait, était bien heureux… Il aimait aussi voir passer les che-