Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/60

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— Quoi qu’y a cor, mon gas ?

— Y a… y a qu’Roubieux s’conduit ben mal avec elle, maît’ Aveline, ben mal… Paraît qu’ils ont des mots ensemble… ça fait une vie là-dedans, une vie des cinq cent mille diables ! Avant-z’hier, il l’a battue, qu’la maison en tremblait… Et puis il menace de la crever… Ça finira mal, c’t’ histoire-là, j’ai idée qu’ça finira ben, ben mal.

— Ça s’ peut, mon gas, ça s’ peut… Il n’est point c’mode, l’ paroissien… Qué qu’tu veux ? C’est pas ta faute, après tout, s’il arrive un malheur !… N’ t’ fais point de bile pour ça !… Quand on est honnête, on est honnête, je connais qu’ça !… Et pis, t’auras les écus.

— Ben sûr !… C’est tout d’même tracassant, maît’ Aveline… J’en dormons pus…

Il poussa un long soupir.

La cloche, annonçant la fin du marché, sonna… Des groupes se dispersèrent.

— Allons prendre un litre ! dit maît’ Aveline.

— À vot’ service, remercia Goudet.

Et, tous les deux, lentement et se dandinant, ils entrèrent au café Bodin.

II

Bien que, depuis longtemps, elle eût perdu son mari, qui était sabotier à Bretoncelles, et