Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/221

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paupières bouffies, molles, luisait une flamme de débauche sanguinaire… Pourquoi n’ai-je pas balafré la face hideuse de ce vieux faune ataxique ?… Il attend peut-être Juliette !… La porte d’enfer s’est refermée sur lui… et, un instant, mes yeux ont plongé dans le gouffre… Je croyais voir des flammes rouges, de la fumée, des enlacements abominables, des dégringolades d’êtres affreusement emmêlés… Non, c’est un couloir triste, désert, éclairé par la clarté pâle d’une lampe, puis au fond quelque chose de noir, comme un trou d’ombre, où l’on sent grouiller des choses impures… Et les voitures s’arrêtent, vomissant leur provision de fumier humain, dans cette sentine de l’amour… Une petite fille, de dix ans à peine, me poursuit : « Les belles violettes !… les belles violettes ! » Je lui donne une pièce d’or : « Va-t’en, petite, va-t’en !… Ne reste pas là. Ils te prendraient !… » Mon cerveau s’exalte, j’éprouve au cœur la douleur de mille crocs, de mille griffes qui le fouillent, le déchirent, s’acharnent… Des désirs de meurtre s’allument en moi et mettent dans mes bras les gestes de tuer… Ah ! me précipiter, le fouet en main, au milieu de ces priapées, et zébrer ces corps d’ineffaçables plaies, éparpiller des coulées de sang chaud, des morceaux de chair vive, sur les glaces, sur les tapis, les lits… Et à la porte de la maison infâme, ainsi qu’une chouette aux portes des granges campagnardes, clouer la Rabineau, nue, éventrée, les entrailles pendantes !… Un fiacre s’est arrêté : une femme en