Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/287

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Les yeux pleins de larmes, elle cherchait à se faire toute petite contre moi, et répétait : « Oui, bien, bien malheureuse !… » J’en avais horreur et pitié…

— Ah ! il croit que c’est par plaisir ! s’écria-t-elle en sanglotant, il croit cela !… Mais si je n’avais pas mon Jean pour me consoler, mon Jean pour me bercer, mon Jean pour me donner du courage, je ne pourrais plus… je ne pourrais plus… J’aimerais mieux mourir.

Brusquement, changeant d’idée, et d’une voix où il me sembla entendre les regrets gémir :

— D’abord, pour ça… pour le petit appartement… il faudrait de l’argent, et tu n’en as pas !

— Mais si, ma chérie… Mais si, clamai-je triomphalement, j’ai de l’argent !… Nous avons de quoi vivre deux mois, trois mois, en attendant que je conquière une fortune !

— Tu as de l’argent ?… Fais voir.

J’étalai devant elle les quatre billets de mille francs. Juliette les saisit dans sa main, un à un, âprement, les compta, les examina. Ses yeux luisaient, étonnés et charmés.

— Quatre mille francs, mon chéri !… Comment, tu as quatre mille francs ?… Mais tu es riche !… Alors…

Elle se pendit à mon cou, caressante.

— Alors, reprit-elle, puisque tu es très riche… J’ai envie d’un petit nécessaire de voyage que j’ai vu, rue de la Paix !… Tu veux me l’acheter, mon chéri ; tu veux, pas ?