Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/132

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boutonnière rougeâtre et suintante… Je me demande encore si c’est possible !

Elle enroula autour de ses doigts la mèche dorée. Dans un mouvement, la patte du chien endormi, ayant glissé sur la soie, découvrit entièrement le globe du sein qui darda sa pointe, rose comme une jeune fleur.

— Oui, je me demande encore, parfois, si je ne rêve pas… dit-elle.

— Clara… Clara ! suppliai-je, éperdu d’horreur… ne me dites plus rien… Je voudrais que l’image de notre divine Annie restât intacte dans mon souvenir… Comment ferai-je, maintenant, pour éloigner de ma pensée ce cauchemar ?… Ah ! Clara, ne dites plus rien, ou parlez-moi d’Annie, quand elle était si belle… quand elle était trop belle !…

Mais Clara ne m’écoutait pas. Elle poursuivit :

— Annie s’isola… se claustra dans sa maison, seule avec une gouvernante chinoise qui la soignait… Elle avait renvoyé toutes ses femmes et ne voulait plus voir personne… pas même moi… Elle fit venir les plus habiles praticiens d’Angleterre… En vain, vous pensez bien… Les plus célèbres sorciers du Thibet, ceux-là qui connaissent