Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Et ses seins, durs et rebondis, luisent ainsi qu’une couple de vases d’or, remplis de liqueurs enivrantes et de grisants parfums.

J’ai trois amies.


— Ouah ! ouah ! aboya la Face, tandis que dans la cage, marchant, marchant, tournant, tournant, les cinq autres condamnés répétaient le sinistre aboiement.

Clara continua :


J’ai trois amies.
Les cheveux de la troisième sont nattés et roulés sur sa tête.
Et jamais ils n’ont connu la douceur des huiles parfumées.
Sa face qui exprime la passion est difforme,
Son corps est pareil à celui d’un porc.
On la dirait toujours en colère.
Toujours elle gronde et grogne.
Ses seins et son ventre exhalent l’odeur du poisson.
Elle est malpropre en toute sa personne.
Elle mange de tout et boit à l’excès.
Ses yeux ternes sont toujours chassieux.
Et son lit est plus répugnant que le nid de la huppe.
Et c’est celle-là que j’aime.

Et celle-là je l’aime parce qu’il y a quelque chose de plus mystérieusement attirant que la beauté : c’est la pourriture.

La pourriture en qui réside la chaleur éternelle de la vie.
En qui s’élabore l’éternel renouvellement des métamorphoses !
J’ai trois amies…


Le poème était terminé. Clara se tut.