Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/232

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il avait tout pour lui… Et, par-dessus le marché, il était infiniment comique… Il s’inspirait de cette vieille gaieté chinoise, si fort oubliée, de nos jours… Ah ! comme il eût excité la verve plaisante de tout le monde !… quelle ressource pour les conversations languissantes !… Eh bien, ils y ont renoncé… Pour mieux dire, ils n’en ont pas voulu… Et cependant, les trois essais que nous en fîmes devant les juges avaient eu un succès colossal.

Comme nous n’avions pas l’air de le plaindre, que ses récriminations de vieil employé nous agaçaient plutôt, le bourreau répéta, en appuyant sur le mot :

— Colossal… co-los-sal !…

— Qu’est-ce que c’est que ce supplice du rat ?… demanda mon amie… Et comment se fait-il que je ne le connaisse point ?

— Un chef-d’œuvre, milady… un pur chef-d’œuvre !… affirma d’une voix retentissante le gros homme dont le corps flasque se tassa davantage dans l’herbe.

— J’entends bien… mais encore ?

— Un chef-d’œuvre, en vérité !… Et vous voyez… vous ne le connaissez point… personne ne le connaît… Quelle pitié !… Com-