Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/244

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— Ah ! tu n’es pas gentil, vraiment… Pas une minute ton égoïsme ne désarme, même devant un tout petit plaisir que je te demande… Il n’y a pas moyen de s’amuser un peu avec toi… Tu n’es jamais content de rien… Tu me contraries en tout ce que j’aime… Sans compter que, grâce à toi, nous avons manqué le plus beau, peut-être !…

Elle soupira tristement :

— Voilà encore une journée perdue !… Je n’ai pas de chance !…

J’essayai de me défendre et de la calmer.

— Non… non… insista Clara… c’est très mal !… Tu n’es pas un homme… Même du temps d’Annie, c’était la même chose… Tu nous gâtais tout notre plaisir avec tes évanouissements de petite pensionnaire et de femme enceinte… Quand on est comme toi, on reste chez soi… Est-ce bête, vraiment ?… On part, gais, heureux… pour s’amuser gentiment, voir des spectacles sublimes, s’exalter à des sensations extraordinaires… et puis, tout d’un coup, on devient triste… et c’est fini !… Non, non !… C’est bête, bête… c’est trop bête !…

Elle se pendit à mon bras, plus fort, et elle eut une moue — une moue de fâcherie