Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gaie et sérieuse, souriante et le front barré de plis d’ombre qu’elle avait, dans la colère comme dans la volupté, elle ajouta :

— Dire que je ne suis qu’une femme… une toute petite femme… une femme aussi fragile qu’une fleur… aussi délicate et frêle qu’une tige de bambou… et que, de nous deux, c’est moi l’homme… et que je vaux dix hommes comme toi !…

Et, le désir que provoquait en moi sa chair se compliquait d’une immense pitié pour son âme éperdue et folle.

Elle dit encore, avec un léger sifflement de mépris, cette phrase qui, souvent, lui revenait aux lèvres :

— Les hommes !… ça ne sait pas ce que c’est que l’amour, ni ce que c’est que la mort, qui est bien plus belle que l’amour… Ça ne sait rien… et c’est toujours triste, … et ça pleure !… Et ça s’évanouit, sans raison, pour des nunus !… Puutt !… Puutt !… Puutt !…

Changeant d’idées, comme un scarabée de fleurs, soudain, elle demanda :

— Est-ce vrai ce que racontait, tout à l’heure, le gros patapouf ?

— Quoi donc, chère Clara ?… Et que vous importe le gros patapouf !