Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/255

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que chose de très doux, de très pur, de pareil à la résonance d’une coupe de cristal contre laquelle, le soir, s’est heurté le vol d’une phalène. Nous entrions alors, dans une vaste allée tournante, bordée de chaque côté par de hauts treillages qui répandaient, sur le sable, des ombres criblées de petits losanges de lumières. Entre les treillages et les feuillages, Clara, avidement, regarda. Et, malgré moi, malgré ma sincère résolution de désormais fermer les yeux au spectacle maudit, attiré par cet étrange aimant de l’horreur, vaincu par cet invincible vertige des curiosités abominables, moi aussi, entre les feuillages et les treillages, je regardai.

Et voici ce que nous vîmes…

Sur le plateau d’un tertre, vaste et bas, auquel l’allée aboutissait par une montée insensible et continue, c’était un espace tout rond, artistement disposé en arboretum, par de savants jardiniers. Énorme, trapue, d’un bronze mat lugubrement patiné de rouge, la cloche, au centre de cet espace, était suspendue par le crochet d’une poulie sur la traverse supérieure d’une sorte de guillotine en bois noir dont les mon-