Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/297

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reau qui, au pied des gibets, dans les fleurs, nettoyait ses scalpels et ses scies… Ce sont les yeux, la bouche, les joues flasques et tombantes de Mme  G… que je vois se pencher sur les chevalets, ses mains violatrices que je vois toucher, caresser, les mâchoires de fer, gorgées de viande humaine… C’est tous ceux et toutes celles que j’ai aimés ou que j’ai cru aimer, petites âmes indifférentes et frivoles, et sur qui s’étale maintenant l’ineffaçable tache rouge… Et ce sont les juges, les soldats, les prêtres qui, partout, dans les églises, les casernes, les temples de justice s’acharnent à l’œuvre de mort… Et c’est l’homme-individu, et c’est l’homme-foule, et c’est la bête, la plante, l’élément, toute la nature enfin qui, poussée par les forces cosmiques de l’amour, se rue au meurtre, croyant ainsi trouver, hors la vie, un assouvissement aux furieux désirs de vie qui la dévorent et qui jaillissent, d’elle, en des jets de sale écume !

Tout à l’heure, je me demandais qui était Clara et si, réellement, elle existait… Si elle existe ?… Mais Clara, c’est la vie, c’est la présence réelle de la vie, de toute la vie !…

— Clara !… Clara !… Clara !