Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplie d’une foule bavarde, remuante, extraordinairement colorée. Cent regards fardés étaient sur nous, cent bouches peintes chuchotaient des mots que je n’entendais pas, mais où il me semblait que revenait sans cesse le nom de Clara.

— Clara ! Clara ! Clara !


Et des corps nus, des corps enlacés, des bras tatoués, chargés d’anneaux d’or, des ventres, des seins tournaient parmi de légères écharpes envolées… Et dans tout cela, autour de tout cela, au-dessus de tout cela, des cris, des rires, des chants, des sons de flûte, et des odeurs de thé, de bois précieux, des arômes puissants d’opium, des haleines lourdes de parfums…

Griserie de rêve, de débauche, de supplice et de crime, on eût dit que toutes ces bouches, toutes ces mains, tous ces seins, toute cette chair vivante, allaient se ruer sur Clara, pour jouir de sa chair morte !…

Je ne pouvais faire un geste, ni prononcer une parole… Près de moi, une Chinoise, toute jeune et jolie, presque une enfant, avec des yeux candides et lascifs à la fois, promenait sur un éventaire des objets étran-