Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des « Oui, dame ! », ou des : « Non, dame ! », saccadés et rauques… L’interrogatoire, méticuleux, méchant, criminel, dura vingt minutes.

— Enfin, ma petite, conclut la vieille, le plus clair de votre histoire c’est que vous ne savez rien faire… Il faudra que je vous apprenne tout… Pendant quatre ou cinq mois, vous ne me serez d’aucune utilité… Et puis, laide comme vous êtes, ça n’est pas engageant… Cette entaille sur le nez ?… Vous avez donc reçu un coup ?

— Non, Madame… je l’ai toujours eue…

— Ah ! ça n’est pas engageant… Qu’est-ce que vous voulez gagner ?

— Trente francs … blanchie… et le vin… prononça Louise, d’une voix résolue…

La vieille bondit :

— Trente francs !… Mais vous ne vous êtes donc jamais regardée ?… C’est insensé !… Comment ?… personne ne veut de vous… personne jamais ne voudra de vous ? — si je vous prends, moi, c’est parce que suis bonne… c’est parce que, dans le fond, j’ai pitié de vous ! — et vous me demandez trente francs !… Eh bien, vous en avez de l’audace, ma petite… C’est, sans doute, vos camarades qui vous conseillent si mal… Vous avez tort de les écouter…

— Bien sûr, approuva Mme  Paulhat-Durand. Elles se montent la tête, toutes ensemble…

— Alors !… offrit la vieille, conciliante… je vous donnerai quinze francs… Et vous paierez