Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/481

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La dernière scène à laquelle j’assistai fut particulièrement drôle…

Un matin, Monsieur entra dans le cabinet de toilette au moment où Madame essayait devant moi un corset neuf, un affreux corset de satin mauve avec des fleurettes jaunes et des lacets de soie jaune. Le goût, ce n’est pas ce qui étouffait Madame.

— Comment ? dit Madame, d’un ton de gai reproche. C’est ainsi qu’on entre chez les femmes, sans frapper ?

— Oh ! les femmes ? gazouilla Monsieur… D’abord tu n’es pas les femmes.

— Je ne suis pas les femmes ?… qu’est-ce que je suis alors ?

Monsieur arrondit la bouche — Dieu, qu’il avait l’air bête — et, très tendre, ou, plutôt, simulant la tendresse, il susurra :

— Mais tu es ma femme… ma petite femme… ma jolie petite femme. Il n’y a pas de mal à entrer chez sa petite femme, je pense…

Quand Monsieur faisait l’amoureux imbécile, c’est qu’il voulait carotter de l’argent à Madame… Celle-ci, encore méfiante, répliqua :

— Si, il y a du mal…

Et elle minauda :

— Ta petite femme ?… ta petite femme ? Ça n’est pas si sûr que cela, que je sois ta petite femme…

— Comment… ça n’est pas si sûr que cela…