Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/82

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La messe tire en longueur et je m’ennuie… Je suis surtout vexée de me trouver au milieu d’un monde si ordinaire, si laid, et qui fait si peu attention à moi. Pas un joli spectacle, pas une jolie toilette où reposer ma pensée… où égayer mes yeux… Jamais je n’ai mieux compris que je suis faite pour la joie de l’élégance et du chic… Au lieu de s’exalter, comme aux messes de Paris, tous mes sens offensés protestent à la fois… Pour me distraire, je suis attentivement les mouvements du prêtre qui officie. Ah bien, merci ! C’est une espèce de grand gaillard, tout jeune, de physionomie vulgaire, couleur de brique rose. Avec ses cheveux ébouriffés, sa mâchoire de proie, ses lèvres goulues, ses petits yeux obscènes, ses paupières cernées de noir, je l’ai bien vite jugé… Ce qu’il doit s’en payer, à table, de la nourriture, celui-là !… Et au confessionnal, donc… ce qu’il doit en dire des saletés et en trousser des jupons !… Rose, s’apercevant que je le regarde, se penche vers moi, et, tout bas, elle me dit :

— C’est le nouveau vicaire… Je vous le recommande. Il n’y en a pas comme lui pour confesser les femmes… M. le curé est un saint homme, bien sûr… mais on le trouve trop sévère… Tandis que le nouveau vicaire…

Elle claque de la langue et se remet en prière, la tête courbée sur le prie-Dieu.

Eh bien, il ne me plairait pas, le nouveau