Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/244

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s’y déroulent, si frissonnants ; une autre fois, Dieu me pardonne, à propos de L’Inconnu, ce livre troublant, effarant, où M. Paul Hervieu, en pince-sans-rire obstiné qu’il est, fait descendre le lecteur angoissé, au plus profond des abîmes de l’âme et le conduit à travers la nuit de la vie mentale, où se projettent d’étranges, de soudaines, d’affolantes lueurs. Encore, à propos de Flirt où s’évoque, dans un raccourci inquiétant, la pourriture des milieux mondains. J’ignore ce que la critique a dit et dira de L’Exorcisée, ce livre si grand, dans sa brièveté, si troublant sous l’exquise grâce dont il se pare et l’intelligence éclatante et affinée dont il s’illumine ; ce livre si tendre, si ironique, si douloureux à la fois, qui ouvre sur l’amour des lointains de mystère inexploré, des prolongements de pitié, et qui renferme des pensées grandes, des pensées graves, des pensées qui vont jusqu’au bout. Elle dira sans doute ce qu’elle a dit déjà: que c’est là une œuvre de pince-sans-rire, et drôle infiniment. Pourquoi dirait-elle autre chose ? La critique est un art admirable, en ce qu’elle dispense de lire et de comprendre les œuvres qu’il lui faut juger. Pour y être un maître incontesté et glorieux, il suffit de répéter à satiété des opinions fixement établies par une sorte de système anthropométrique et dont sont atteints, à leurs débuts, certains littérateurs, sans que l’on puisse considérer ce qu’un écrivain doit avoir fait de progrès, et s’il s’est engagé dans des routes nouvelles.