Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/124

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Je fus plusieurs années sans le revoir et je perdis de vue, tout à fait, la marquise de Parabole.

Je la rencontrai, un soir, dans une maison amie, chez une Autrichienne de Galata, qui recevait des gens bizarres et qui chantait du Schumann avec une voix blanche. L’exquis était, que dans cette maison amie, personne ne se connaissait, car les invités se renouvelaient sans cesse, étant principalement recrutés dans les colonies étrangères, et même dans les colonies pénitentiaires les plus élégantes de la capitale.

J’allai vivement vers Mme de Parabole. Elle était toujours jeune, belle, folle, séduisante, passionnée, un peu plus blonde qu’autrefois.

— Ah ! comme il y a longtemps ! m’écriai-je… Et qu’êtes-vous devenue… depuis la catastrophe ?…

Mmede Parabole me regarda fixement, le front barré par un violent effort de se souvenir.

— Quelle catastrophe ? fit-elle.

— Mais vous êtes bien madame de Parabole ?

— Sans doute… Et vous, monsieur, qui êtes-vous ?

— Georges Vasseur… déclarai-je en m’inclinant… Vous ne vous rappelez pas ?…

— Pas du tout !…

— Et Lucien Pryant ?

— Lucien Pryant ?… Quel Lucien Pryant ?… Attendez donc… Un petit blond ?

— Non, madame, un grand brun…