Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/316

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hier hier… Mais ça ne t’ennuie pas que je te tutoie ?…

— Pas du tout ! au contraire…

— Bravo ! J’aime qu’on se tutoie, moi !… Avant-hier je revenais de Sainte-Gauburge, par les bois… Le chemin est étroit et praticable seulement pour une voiture… Qu’est-ce que j’aperçois, à quarante pas, devant moi ?… Le duc de la Ferté… un grand serin… Je ne veux être dépassé par personne, surtout par le grand serin de duc de la Ferté… Je dis au cocher : « Dépasse, nom d’un chien ! » — « Il n’y a pas de place » répond le cocher. — « Alors, bouscule et jette-moi duc, voiture, chevaux dans le fossé »… Non, mais tu vas rire !… Le cocher lance ses chevaux… Patatras !… Le duc d’un côté, moi de l’autre, le cocher à dix mètres dans le taillis !… Quelle marmelade !… Je ne perds pas la carte… prestement je me remets sur pied, dégage les chevaux, relève la voiture et je passe… pendant que le duc, les quatre fers en l’air… ha ! ha ! ha !…