Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/355

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Émerveillés de cet à-propos, les farceurs bourraient Albaret de claques et de coups de poing, ce qui est, comme on sait, dans les campagnes, le geste de l’enthousiasme, et disaient en se regardant finement :

— Ce sacré Albaret ! ce sacré Albaret !

Ce sacré Albaret était une vieille connaissance pour moi. Un jour, il avait fallu remettre un carreau à l’une des fenêtres de ma maison, et, tout naturellement, ce fut Albaret à qui je m’adressai pour cette opération. Il vint seul, d’abord. À peine entré, il s’assit, souffla, s’épongea et demanda à boire. Il but coup sur coup deux pintes de cidre, après quoi il examina la vitre brisée, fit de nombreuses suppositions sur la façon dont elle avait dû être brisée, prit des mesures en hauteur et en largeur, plaisanta la Renaude, puis, ayant bu une nouvelle pinte de cidre, il partit en promettant de revenir le lendemain. En effet, le lendemain, Albaret apparaissait flanqué de deux aides. L’un portait le carreau et la règle, l’autre le marteau,