Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/382

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de la cheminée, tandis que les passants qui me frôlaient me semblaient emportés dans des fuites vertigineuses et folles. Je me levai. L’averse redoubla.

Comment arrivai-je chez mon ami, par quels chemins, en combien d’heures ou de minutes ? Je n’en sais rien. J’ai beau rappeler mes souvenirs, je ne vois rien, ni les rues, ni les gens, ni les maisons. Il y a, dans ma mémoire, une lacune que je ne puis combler. Il était tard, cependant, quand j’entrai chez lui. Mon camarade me reçut dans sa chambre.

— J’allais me coucher, me dit-il.

Et je vis le meuble, le petit meuble en bois de chêne. Il me parut grand, si grand qu’il emplissait toute la chambre, crevait le plafond, montait dans le ciel. J’eus d’abord la pensée de demander de l’argent à mon ami, un billet de mille francs simplement. Je n’osai pas. Penché vers la cheminée, il ranimait le feu presque éteint.

— Sacré feu ! disait-il ; sacré feu !