Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À peine si, deux fois, il obtint la permission d’aller, seul, chez Mme Lecautel. Là, son plaisir de revoir Marguerite fut aussi gâté par l’inquiétant souvenir des confessions. Entre sa petite amie et lui, toujours s’interposait la laide, la déflorante image du Père Monsal. Marguerite avait été malade, et la maladie l’avait rendue encore plus jolie, jolie étrangement, avec quelque chose de fauve et de fatal qui troublait, en elle : la sujétion de tous les organes, l’obéissance de tous les mouvements au sexe implacable et dévorateur. L’alcoolisme paternel qui avait coulé dans ses veines de fillette un sang ardent et brûlé, semblait aussi avoir laissé davantage en ses yeux trop dilatés, striés de fibrilles vertes, et sous ses paupières meurtries déjà de douloureuses ombres, la précoce et si mélancolique flétrissure d’autres ivresses. Sébastien n’osa pas la regarder ; il ne voulut point qu’elle l’embrassât, comme jadis. Chaque fois qu’elle s’approchait de lui, il reculait un peu effrayé : « Non, non… il ne faut pas ! » En même temps que les paroles du Père Monsal l’incitant à d’obscures tentations, malgré soi, par la pensée, il dévêtait ce corps chétif, souple et frôleur, y cherchait la place des mystères impurs, les dévoilements de chair défendue et maudite. Aux caresses, aux étonnements de Marguerite, il ne pouvait que répondre :

— Non ! non !… Il ne faut pas !…

Il repartit sans un regret, les vacances finies. Ce fut, au contraire, un soulagement pour lui, que de se retrouver dans le wagon, avec le Père Dumont et quelques camarades, qui lui rapportaient l’odeur du collège. Cette odeur, il la respira